Madurai

Vers 17h, le train nous dépose enfin à la gare de Madurai, idéalement située près du centre ville. Ayant repéré un hôtel proche et, selon le guide lonely, bon marché, nous nous mettons en route... Cependant, des l’arrivée, le plan semble foireux: les grandes portes d’entrées sont surveillées par deux gardiens richement habillés, et le hall d'accueil est particulièrement classieux, choses très suspectes pour un hôtel "budget" en Inde...
Le réceptionniste confirme mes craintes, la chambre double ( que nous attentions aux environs de 600 roupies)  démarre à 1400 roupies... la triple à 1800! Bon je sais que le niveau de vie augmente d’année en année en Inde, et ce à une allure exponentielle, mais tout de même!
Dépites, nous nous apprêtons à quitter les lieux lorsque trois femmes espagnoles - entre 40 et 50 ans à vue d œil- nous abordes. Visiblement elles ont assisté à notre débâcle, et souhaitent nous proposer un plan très sympathique. Venues assister à un rassemblement de Satya sai baba ( leurs vestes arboraient fièrement un portrait du célébrè Guru), elles avaient réservé une chambre pour 4 jusqu'au lendemain soir. Mais un concours de circonstance les oblige à quitter Madurai ce soir même, laissant la chambre vide mais déjà payée... Elles nous offre donc tout simplement- et gratuitement- les clés de leur chambre!
Inutile de dire que nous avons eu du mal à dissimuler notre enthousiasme, une chambre de luxe gratuite...
Mais, mais..! C’était sans compter sur la mesquinerie du réceptionniste qui était bien décidé à ne pas laisser rentrer gratuitement trois jeunes étudiants! Refusant de nous laisser la chambre sous prétexte qu elle n’était pas réservée à notre nom, il nous proposa le deal suivant: nous pouvions avoir la chambre pour cette nuit à condition de rester également la nuit suivante, nous devions donc payer une nuit sur deux.
Problème, la chambre de ces généreuses espagnoles était une suite luxueuse pour 4 personnes, coutant la jolie somme de 2400 roupie (environ 40 euros). Bon au fond j'étais très tenté, ça ne faisait jamais que 13€ par personne, et après tout c'était sans doute la seule occasion que nous aurions de dormir dans une Suite en Inde! Mais Julie, nettement moins dépensière que moi disons, n’étant pas du tout emballée par le fait de payer une telle somme. Après un long débat nous avons fini par abandonner ce plan pour partir à la recherche d'une chambre "low budget" dans un autre hôtel du quartier. Nous nous posons finalement dans un hôtel sans charme, au personnel vraiment peu accueillant, et pas très bon marché, mais Madurai est une ville assez chère visiblement...

Le soir, nous dinons dans un restaurant très chic, situé sur le toit d'un hôtel de luxe. Étonnamment les prix ne sont pas aussi excessifs que le tarif des hôtels laisserait attendre. Le repas est bon et surtout la vue sur Madurai de nuit vaut à elle seule le détour.

Le lendemain, visite de l'immense et très célèbre Sri Meenaksi temple. Encore une fois mes talents littéraires limités ne me permettront pas de rendre compte de la puissance, la splendeur qui se dégage de ce temple, mais je vais tenter un bref aperçu...
Au cœur de la ville, une gigantesque enceinte couverte de sculptures peintes de couleur fluo -très kitch, très bling bling, tres indien!- abrite un vaste ensemble de couloir et de pièce dédiées à la réalisations des cérémonies et rituels. Murs, plafond, piliers... toute la surface du temple -intérieur comme extérieur- est ornée de fresques, gravures et de sculptures. La majeure partie du temple est accessible aux grands publics, mais quelques salles toutefois restent réservées uniquement aux hindous pratiquants.
Chose qui peut paraitre assez surprenante dans un tel lieu sacré ( mais qui semble finalement assez logique suivant la culture indienne), un véritable marche de babioles, cartes postales et souvenirs -de plus ou moins bon gouts...- sont présents dans une des grandes salles du temples. Le tout relevant à mes yeux plus du gadgets moche et inutile que de la belle réplique d’antiquités, j'ai traversé cette salle en coup de vent. Enfin, aussi rapidement que me le permettait les nombreux "come in my shop just a free look" qui ne manquaient pas de me tomber dessus! Il y a tout un art de l'esquive du commerçant indien, les lunettes de soleil font partie de l'arsenal de base ( le gros casque audio doit aussi marcher je pense).

Après la visite du temples, nous faisons escale dans quelque boutiques puis nous rendons a la gare pour réserver le billet de train. Les places se révèlent vraiment peu cher, et nous pensons -très naïvement- avoir fait une bonne affaire...

Thanjavur - Madurai by train.

Après deux jours passés à Thanjavur, nous prenons un billet pour Madurai. Le train est annoncé pour 12h15, je dis bien annoncé : les horaires indiens sont toujours donnés à titre indicatif;  les demi heures de retard sont très fréquentes...) Contrairement au français qui pestent des qu'un train à  5 minute de retard, les indiens se montrent d'une patience assez impressionnante, sur les quais du moins... Lorsqu'il s'agit de monter dans le train, c'est une véritable ruée vers l'or (l'or étant la place assise), et là c'est clairement chacun pour sa peau!

Mais revenons à nos moutons -de fer-. Le train arrive donc, presque à l'heure et assez chargé... Enfin, nous ne sommes pas écrases comme des sardines, mais il n'y a plus aucune places assises sur les banquettes. Qu'à cela ne tienne, alors que je m’apprête à ranger les sacs sur le porte-bagages situe au dessus des banquettes, je vois un homme allongé dessus. Visiblement les portes bagages indiens, c'est du solide!  ( pour cause, ce sont des grosses barres métalliques fixées aux cloisons!). Amusé, je trouve que ce n'est finalement pas une mauvaise idée, et, avisant un autre espace libre, je grimpe sur ces sièges de fortunes, et m'y trouve finalement assez confortablement installé.
Les filles sont cependant beaucoup moins emballées par cette idée, voir même carrément sceptiques. Mais elles finiront par m'y rejoindre après avoir vu le grand nombre d'indiens assis sur ces structures... l’idée de rester debout pendant 5 heures les aura sans doute également aidée à vaincre les quelques réticences restantes! Les indiens assis sur les banquettes en dessous de nous sont visiblement assez amusés de voir des touristes perchés sur ces structures. Les filles râlent un peu pour la forme, puis, le train partant, finissent par s'assoupir.
Bon, ce n'est certes pas le mode de transport le plus confortable, mais je lui trouve un certains charme.

Durant l'escale à Trichy, le train se vide d'une grande partie des voyageurs, ce qui nous permet de descendre nous asseoir sur les banquettes. Comme à chaque escale ferroviaire, de nombreux vendeurs de nourriture, boissons et gadgets ambulant circulent dans les rames du train en criant d'une fois nasillarde le nom des produits qu'ils vendent. Très souvent résonnent le " Cay- garam, cay- coffee" ou autre " Biryani- veg biryani" ( plat populaire de riz épices avec légumes). Nous prenons chacun une barquette de Biryani ( 20 roupies l'unite, un prix correct.) Une fois le plat fini, je cherche une poubelle pour jeter la barquette, mais mes recherches resteront infructueuses, il n'y a rien de tel dans le train. J'observe les indiens pour voir comment ils font. Question naïve, bien évidement, ils jettent tous leur détritus par les fenêtres!
Le train repart, Ophelia sympathise avec ses voisins en donnant de quoi dessiner à une petite fille de 9 ans assise en face d'elle, toute de bleu et vert vêtue.
Munie d'un petit guide de voyage, elle tente de parler tamil avec son voisins,  ce qui remporte un énorme succès! Tout le compartiment  s'amuse de ses bafouillages, un voisin l'aide pour la prononciation de quelques phrases basiques comme "Quelle heure est il, quel est votre nom, quel âge avez vous..."
Ambiance chaleureuse et souriante dans le wagon, en y repensant,  les indiens se montrent souvent très curieux et sociables, particulièrement dans les transports en commun!

aparte 2# (Mac Leodgang)

Les premiers rayons du soleil viennent tout juste d'apparaitre lorsque je monte sur le toit de la guest-house pour contempler le paysage.
La chaine de montagnes, sur les flancs desquelles se trouvent les villages de Bhagsu et Mac Leodgang, forment un croissant de lune, ne laissant au regard qu'une faible ouverture vers l'horizon.
Villes et vallées sont encore plongées dans une légère pénombre, et seuls les hauts sommets des montagnes sont touchés par l'astre solaire. 
Reflétant la lumière de l'aube, les arbres qui les recouvrent se parent lentement d'une teinte oscillant entre le jaune doré et le vert émeraude.
Le souffle du vent, le piaillement des oiseaux, le croassements des corbeaux, et le bruit à la fois proche et lointain de la chute d'eau -inaccessible à ma vue mais que je sais cachée derrière une montagne-, sont les seuls bruits résonnants en ces lieux. 
Se laissant porter par les vents, de grands aigles volent dans le ciel en traçant des cercles autour de la cime des arbres.
D'abord d'un blanc laiteux, le ciel s'emplit peu à peu d'un bleu prometteur d'une matinée ensoleillée. Mais en cet instant, l'air est encore froid et humide, il porte la mémoire de la nuit noire et glacée qui règne en cette région. Air gelé, mais d'une grande pureté, qui caresse la peau grelottante, emplit les narines et les poumons d'un souffle vivant.

Petit à petit, les rayons du soleil, descendants sur les flancs des montagnes, réchauffent les maisons les plus hautes. Bientôt, l'ensemble de la ville sera illuminée, et, réveillés par cette source de vie, les hommes sortiront de leur logis. L'agitation et le bruit de l'activité urbaine prendront alors le pas sur le calme et la splendeur tranquille régnant, pour quelques instants encore, dans le cœur de la vallée.

Thanjavur

Nous étant réveillés assez tard, notre seule occupation de la matinée fut d'aller déjeuner dans un restau vegétarien -honnête et bon marché- près de la gare ferroviaire, agrémenter de quelques "sweet" achetés dans une pâtisserie indienne. (Thanjavur est célèbre pour ses "sweet" semble t-il)
C'est donc en début d'après midi que nous nous mettons en chemin pour le célèbre brihadisvhara temple de Thanjavur, construit sous le règne de  Rajaraja (985-1012 AD) et considéré comme un chef-d'oeuvre de l'architecture Chola.
En chemin, nous croisons des ouvriers en train de couler du bitume pour rénover la chaussée. L'odeur qui s'en dégage agresse fortement les narines et les yeux, laissant supposer une très forte toxicité des produits utilisés... Malgré tout, les ouvriers travaillent sans gants ni masque respiratoire. Ignorance du danger ou simple indifférence?
Non loin de la, sur le trottoir, un homme dort allongé à même le sol, indiffèrent à l'odeur et aux bruits de la circulation. J'ai beau croisé des dizaines d'indiens dormant dans les lieux et dans des positions les plus improbables, les capacités d'abstraction des indiens ne cessent de me surprendre. Non que cela me choque, au fond j'aimerais être capable de m'endormir aussi facilement n'importe où!
Je ne pense pas qu'il s'agisse toujours de "sdf", j'ai parfois vu des gérants d’hôtel s'installer devant leur hall d'accueil pour dormir sur une planche en bois... Après tout, pourquoi pas, il est vrai que les nuits sont chaudes dans la majeure partie de l'Inde!

Visite du brhadisvara temple

L'arrivée devant l'entrée du temple est déjà un spectacle en soi, l'immense porte d'entrée est surmontée  de nombreuses sculptures représentant diverses divinités et personnages mythologiques (et en regardant bien, cachés dans un recoin de la tour, on peut même apercevoir deux couples s'adonnant à des pratiques fort impudiques ;)
Comme la plupart des temples anciens, la peinture qui ornait les sculptures à l'origine a disparu, il ne reste donc que la couleur de la pierre brute, de couleur ocre. A noter au passage que comme pour tout les lieux sacrés indiens, on ne peut y pénétrer que pieds nu, détail insignifiant la plupart du temps, hormis dans les temples à ciel ouvert comme celui ci, la température du sol devenant, sous l'impact du soleil, très élevée... sans doute est ce une préparation pour apprendre à marcher sur les braises!

L'enceinte rectangulaire abrite un temple principal aux dimensions imposantes, autour duquel sont dispersés trois autres plus petits, mais néanmoins tout autant dignes d'être contemplés.
Les sculptures et gravures qui les ornent sont d'une grande finesse, sans atteindre la splendeur des temples d'Halebidu et Beluru toutefois (j'y reviendrais bientôt).
Dans les couloirs longeant les murs d'enceintes se trouvent des petites cellules abritant des sculpture de diverses divinités, ainsi qu'un grand nombre de lingam, tous parés de divers attributs, ornements et bougies indiquant qu'un culte leur fut rendu durant la journée.

En visitant un des petits temples annexes, j'entends les brahmanes faire sonner les cloches annonçant la puja (cérémonie rituelle). Dans la cella, après l'avoir ornée de multiples marques de pigments et fleurs, les brahmanes éveillent la divinité en faisant passer une flamme devant elle... Témoin de cette scène, je me sentais un peu comme un intrus, comme si le fait de regarder la réalisation d'un acte dévotionnel, sacre, sans y participer également relevait d'une forme de sacrilège ou d'offense... Je me contentais donc d'observer de loin, ne sachant quelle attitude adopter sur le moment.
En sortant du temple, j’aperçois derrière le mur d'enceinte un éléphant enfermé dans une cage, une patte solidement attachée à un piquet au sol. Ne pouvant que rester sur place, l'imposant pachyderme se balançait de droite à gauche, comme pris dans une danse hypnotique et répetitive. Je ressentis une forme de tristesse à la vue de cet animal enfermé dans sa cage, exposé ici comme une bête de cirque...


Le Museum de Thanjavur.

Ayant laisse derrière nous le temple, nous nous rendons au très beau musée de Thanjavur, où de nombreuses sculptures en pierre et en bronze sont exposées. La section des bronzes tout particulièrement abrite quelques magnifiques chef d’œuvre. Ces sculptures sont exposées dans trois salles différentes ayant chacune une thématique dans la façon de grouper les divinités... Une première salle abrite des couples de divinités, une seconde de nombreuses et très belles sculptures de Ganesha ( nomme ici vinayagar), de la déesse Parvati ( épouse de Shiva) dont une représentation de Thiruvelukkudi m'a particulièrement touchée, tout en fluidité et élégance, courbes et poitrines généreuses comme il est d'usage dans la statuaire indienne, mais ici avec une finesse et un réalisme assez émouvant. Enfin plusieurs représentations d'un petit personnage dansant sur un pied nomme Thirugasambandar. Il me semble impossible de décrire la beauté de ces sculptures autrement que par un poème, n'ayant pas cette qualité je ne peux que les nommer... En tout cas ce sont vraiment des pièces d'une grande finesse!
Dans la dernière salle sont exposées de nombreuses représentations de shiva natesha (ou  nataraja, bien que cette dernière dénomination soit impropre: bien plus qu'un simple roi -raja- Shiva est bien le Seigneur de la danse "nata-isha"), parmi toute les représentations de divinités, shiva natesha est sans doute une des formes les plus célèbres en occident ( avec ganesha), le nom ne vous dit rien? mais si, ce personnage à quatre bras, dansant sur un pied et entouré d'un cercle de feu... bon voici quelques images pour vous rafraichir la mémoire:






















Et pour le fun, un deuxième expose au musee guimet. Enfin, comme je vous sais avide de lecture, voici un article de références sur les sculptures indiennes dans leur rapport au temps et au mouvement : Un cinema solide, par Paul Mus.

 La plupart des pièces datent du 11e siecles, hormis une curieuse variation d'un Natesha du (17/18e siecle), dote de 8 bras et d'autant d'attributs, dans une position tres inhabituelle ( jambe droite derriere la tete..)

Au final, cette visite fut aussi -encore- l'occasion de confirmer la nature tres curieuses des indiens: il suffit de sortir un carnet pour ecrire ou faire des croquis pour etre aussitot entoure d'une dizaine d'indiens observant la feuille!

Une sortie manquee au cinema

En fin de journée Julie et Ophelia sont prises d'une envie de Bollywood, et se rendent donc au cinema de Thanjavur ou 6 film en tamil sont programmés. Ayant pas mal de temps d'avance, j'en profite pour passer au cyber cafe avant de les rejoindre. L'heure venue je me rends donc au cinema et les retrouve devant le guichet l'air bien dépitée: tous les autres spectateurs présents sont des hommes, jeunes -entre 17 et 30 ans à vue d'oeil-, et ces derniers ne manquent évidement pas de les devisager ostensiblement... Evidement, ce sont les seules filles présentes et qui plus est, des occidentales! Inquiètes à l'idée d'être accostées voir tripotées pendant le film, elles renoncent finalement à la séance. 
Vu l'heure tardive -21h, tardif pour l'Inde- nous reprenons donc le chemin pour la chambre d'hotel...

Une escale à Pondicherry

L'escale à Pondicherry relève un peu de l'accident de parcours, nous n'avions pas prévu de nous y arrêter,  mais les circonstances ont fait que cette ville s'est imposée malgré tout, me rappelant au passage que vouloir absolument maitriser le cours des évenements relève souvent d'une folle et absurde prétention, en Inde encore plus qu'ailleurs!
Avant même d'y être arrivé, je souhaitais déjà repartir de ce que je considère - à tort ou à raison- n’être qu'une ancienne ville coloniale sans réelle saveur...
Cet état d'esprit n'est évidement pas propice à la découverte d'un lieu, pas plus qu'il ne l'est pour les relations humaines...
Cependant, il reste de ce court séjour deux anecdotes sympathiques à raconter...


1/ Le marche de Pondicherry

Perdu dans le cœur de la ville, le marche de Pondicherry est un immense labyrinthe carrée délimité par 4 murs disposant chacun d'un portail d’entrée, devant lequel s'entassent des montagnes de fruits, légumes et autres produits rejetés par le marche.
Il se dégage des fruits pourrissant aux soleil une odeur légèrement alcoolisée, qui, mélangée à celles des autres détritus, révèlent aux passants un bien surprenant parfum.

Pénétrer dans ce marché, c'est se perdre dans un immense labyrinthe d’épices, de fruits et légumes, de fleurs -destinées aux rituels- et de poissons; le tout étant étalé sur les planches en bois des stands, souvent couvertes de feuilles de palmier ou de cocotier.
Les allées et voies de passages sont étroites, et l'on se demande si les échoppes ont été agencées en fonction du chemin, ou si c'est à l'inverse le chemin qui s'est créé autour des stands!
Une faible lumière filtre entre les toits en bois ou tôle des échoppes, et c'est donc dans une atmosphère presque tamisée que le badauds se frayent un chemin.
Le lieu est sans doute bruyant, mais ce qui me revient en mémoire reste cette multiplicité, ce festival d'odeurs et de couleurs sollicitant, parfois à l’excès, les sens des passants.


2/ La gare routière ( aka: une journée en enfer!)


Après renseignement à l'office de tourisme , il semble possible de rejoindre Thanjavur par bus en partant en fin d’après midi. Rassurés, nous nous dirigeons donc vers la gare, espérant -très naïvement- avoir le bus annoncé à 17h.
Mais nous n'avions évidement pas connaissance de l'incroyable chaos de la gare routière de Pondicherry!
Dans cet immense parking se croisent des dizaines ( centaines?) de bus tentant -à grand coup de klaxon- de se frayer un chemin parmi leur congénères. Arriver dans cette gare, c'est un peu comme assister à un gigantesque opera-ballet dansant créé par un compositeur fou (ou sous acide), dans la plus pure tradition de l'art contemporain. Autrement dit : le non-initié ne peut définitivement rien y comprendre.

Toutes les indications- lorsqu'il y en a, sont rédigées en tamil, et donc incompréhensibles pour les non locuteurs...
Il nous reste donc à interroger patiemment le personnel de la gare, contrôleurs et conducteurs... Et c'est à partir de là que le chaotique mais sympathique ballet-opéra devient un véritable casse tête infernal, qui n'est pas sans rappeler "la maison qui rend fou" dans Les douzes travaux d'Asterix...
Car si les indiens répondent presque toujours lorsqu'on leur pose une question, cela ne signifie pas que l'indication donnée soit juste! Non pas qu'ils veuillent dernièrement nous induire en erreur, simplement, je pense qu'ils préfèrent répondre n'importe quoi plutôt que de dire "je ne sais pas", peut être est ce aussi par politesse, afin de ne pas nous contrarier?
Quoiqu'il en soit, à une question aussi basique que "y a t-il un bus pour Thanjavur, à quelle heure part-il?" nous aurons presque autant de réponses différentes que de personnes interrogées!
En une heure de recherches désespérées, j'ai ainsi pu entendre:

"Il n'y a pas de bus pour Thanjavur."
"Il part dans 30 minute voie 1"
"Il part dans 1h30 voie 7"
"Il n'y a pas de direct, prenez le bus pour Cidambaram, puis de là, faites la correspondance pour Thanjavur"

Chaque personnes répondant avec la même assurance, il est difficile de savoir à qui se fier... La méthode la plus fiable me semble finalement d'interroger un grand nombre de personnes et de se fier à la réponse la plus fréquente.
Finalement, âpres 2h30 à attendre un bus inexistant, nous nous résignons à prendre le bus pour Cidambaram, espérant avoir la connexion pour Thanjavur...

Nous quittons donc Pondicherry vers 19h, assis tout à l’arrière d'un bus surchargé et au confort très rudimentaire, si besoin est de le préciser! ( mais au moins avons nous la chance d’être assis.)
Malgré la nuit noire qui règne sur la route -aucun autre éclairage que ceux des véhicules-
le bus roule particulièrement vite ce soir la, klaxonnant à tout va pour sommer aux autres véhicules de s’écarter de son chemin... Sur les routes indiennes comme dans toute la société en générale, la conscience de la hiérarchie est très bien ancrée, c'est le plus fort ou imposant qui gagne!
Les nombreux nids de poules qui parsèment la route nous font faire des sauts qui nous décollent de nos sièges. Enfin je dis "nid de poules", mais c'est souvent plus proches de la crevasse d'obus au fond...
Une terrible et insupportable envie d'uriner me prend sur la dernière heure du trajet, pression insoutenable qui me fait envisager les solutions les plus absurdes pour ne pas me pisser dessus ( pisser par la porte arrière du bus, par la fenêtre ou dans une bouteille d'eau au milieu des passagers...) Une once de fierté me retint, mais j’étais très prés de céder lorsque le miracle se produisit: le bus s’arrête enfin dans la gare de Cidambaram, et juste en face d'un urinoir public! Je n'ose parler de libération ou d'extase lorsque je pu enfin me soulager, mais toujours est il que depuis j'ai appris à prendre mes précautions avant de prendre un bus long trajet...
Les miracles s’enchainèrent ce soir la: malgré l'heure tardive ( 22h30 à Cidambaram) il y avait bien un bus pour Thanjavur! C'est finalement vers 1h30 que nous arrivâmes enfin dans la gare quasi déserte de Thanjavur. Une gare désertique en Inde, c'est très rare... Avisant la place d'un coup d’œil circulaire, une inquiétude me prit: aucun rickswaw à l'horizon, hors nous sommes très à la périphérie de la ville, impossible de rejoindre un hôtel a pied!

Mais la chance fut définitivement de notre cote ce soir là. Un ricksaw fini par traverser la place pour déposer des passagers. Courant à sa rencontre, nous acceptons sans broncher les 100 roupis demandés pour la course, guère d'autre choix... ( et puis au fond la gare était vraiment loin du centre ville).
Le rikshaw nous déposa finalement à deux heures du matin dans un hôtel du centre ville,  prés de la gare ferroviaire. Dernier miracle de la soirée, le personnel de l’hôtel dormait derrière le comptoir, et put donc nous ouvrir et nous louer une chambre pour trois, très sale peu luxueuse et plutôt cher, mais qu'importe âpres ce périple, nous étions bien trop heureux de pouvoir nous effondrer dans un lit!

aparte #1 (Long voyage en Train)

Que ce soit en bus ou en train, les transports Indien ont un point commun: les trajets sont longs et souvent surchargés... Cependant il y a long, et Long! Jusqu'à ce jour, mon trajet le plus long fut Madurai-Allepey, soit 10h de train.
Mais 10h ce n'est rien. Demain, je monterais dans le train Aurangabad-Delhi pour un joyeux périple de 22h! A ce niveau c'est un peu le même ressenti qu'en tant que modèle vivant pour une pose longue: le temps se distord jusqu'à perdre toute consistance, une minute peut alors sembler un siècle.  Entre deux sommeils, les paysages défilent et finissent par se mêler aux rêves... Lorsque l'écoute fait défaut, les songes deviennent souvent une fuite pour palier à l'ennui.

Et il y a aussi l'envie de lire. Les livres sont bien les amis des voyageurs. Désormais je mettrais en lien quelques textes qui m accompagnent aux cours de ces long trajets sur les routes indiennes.

Aujourd'hui, j'ai découvert avec joie  "Le chemin de campagne", de Martin Heidegger.
http://www.omalpha.com/jardin/heidegger1.html


Enjoy!