Aparte 4#: Bhopal, Agra et Mathura

Après avoir découvert avec émerveillement les environs de Bhopal ( ville de triste mémoire qui n'est pourtant pas dénuée de charme de nos jours), à savoir le site bouddhique de Sanchi, les caves hindoues d'Udaigiri et le temple de Bhojesvara, où se trouve le plus grand Shivalingam au monde (enfin, c'est surtout le socle, yoni qui est immense) je me suis rendu dans les villes très (très) touristiques d'Agra et de Fatehpur Sikri.

Sans vouloir jouer les provocateurs, ce fut la consternation!

La population -commerçants et rikswaws en particulier mais pas seulement- y est assez insupportable, tout particulièrement à Fatehpur Sikri que j'ai très arbitrairement élue " Ville la plus désagréable de l'Inde" tant il est impossible de marcher plus d'un mètre sans se faire harceler par des vendeurs de bijoux en toc ( attention ils sont très tenaces).
Par ailleurs, et j'en suis le premier désolé, je n'ai pas été bouleversé par l'éblouissante beauté revendiquée du Taj Mahal (et du fort d'Agra en second plan). Certes ce monument impressionne par ses dimensions, la finesse de ses ornementations et la richesse des matériaux employés. Mais cela s'arrête là: un bâtiment en marbre blanc très "bling bling", bâti sur ordre d'un empereur mégalomane afin de faire étalage de sa puissance tandis que son peuple crevait de faim (évidemment).
Je n'ai perçu aucune transcendance dans ce bâtiment, aucune dévotion ou offrande envers "quelque chose" dépassant la petite personne humaine. Et c'est bien dommage car c'est justement cela qui fait la puissance, la beauté vibrante des temples hindous anciens (je songe en particuliers aux très beaux temples d'Halebidu et Beluru, de Thanjavur,...). Cette intensité de la ferveur religieuse qui a porté la construction de tant de temples et sculptures en Inde, cette richesse, précisément, fait défaut au très couteux Taj Mahal.
Je ne doute pas que de nombreuses femmes fantasment nuit et jour à l'idée que leur amant puisse se ruiner dans la construction d'un mausolée en leur honneur, ou simplement leur offrir de très couteux bijoux en or crées sur des rivières de sang ( cf commerce des pierres précieuses et de l'or). Mais en ce qui me concerne que ma chère et pour l'heure hypothétique compagne soit rassurée: je ne lui offrirais jamais de Taj mahal, de bijoux valant le Pib de la Somalie ou autres objets de luxe. En revanche elle aura le droit à un très beau Pancamukhasivalingam à qui offrir sa puja quotidienne, j'en ai admiré un magnifique chez un antiquaire de Varanasi ( avis aux amatrices)!

Bref, passons...

Donc, soliloquais-je, je n'ai pas spécialement aimé le Taj, et ai franchement peu apprécié Fatehpur Sikri. Si l'on aime les constructions mogholes, les forts, chattri (cénotaphes) et diverses ruines présentent sur le très beau et paisible site d'Orchha ( Madhya pradesh, ville proche de Jhansi) sont à mes yeux bien plus authentiques et puissantes...

Ceci étant, après ce bref séjour à Agra, je suis parti dans la ville sainte de Mathura, célèbre pour être le lieu de naissance de Krishna ( et à ce titre une des 7 grandes villes sacrées hindoues) et également pour la qualité des sculptures - principalement bouddhiques- qui y ont été produite au cours du premier millénaire sous l'empire Kushan.
Pour être honnête, le premier contact fut délicat. Le centre ville est surchargé, très pollué et n'offre à priori aucun charme pour un voyageur... Mais si l'on pousse l'exploration jusqu'au bord des ghats donnant sur la rivière Yamuna, on découvre alors avec émerveillement une ville authentiquement indienne, portée par une ferveur dévotionelle intense et embellie par la présence de petits et grands temples disséminés un peu partout au bord des ghats et dans le quartier du Bazaar situe non loin du ghat principal.
Une ballade en barque sur la Yamuna au crépuscule donne un magnifique et paisible aperçu de l'architecture chaotique des temples, hôtels, commerces et maisons bâties le long de la rivière. Les façades en brique sont peintes en bleu ciel, vert, rouge argile, jaune blé ou plus sobrement blanc, cette grande variété de couleurs se mélangeant dans une parfaite harmonie.


 Mathura vue depuis la Yamuna
Yamuna arthi











Le soir se déroule sur le ghat principal la yamuna-arthi ( offrande -puja- pour la Yamuna), tandis que le brahmane en charge de la puja offre le feu sacré aux quatre directions, le son des cloches frappées avec force par les dévots présents crée une atmosphère hypnotique...

En journée l'on peut flâner dans les rues et ruelles du Bazaar, sans être le moins du monde sollicité par les commerçants, qui se contentent de regarder, sans cacher leur surprise, l'occidental égaré dans cette ville dénuée de touristes...

Abritant une honnête et estimable collection de sculptures produites à Mathura au cours du premier millénaire, le musée de la ville vaut le détour. Fondé en 1874, il abrite un ensemble de sculptures datées du 3e avant jc au 12e siècle de notre ère, en majorité bouddhiques et hindoues, ainsi que jaïn pour une minorité. Il est intéressant de voir l'évolution des styles et de la maitrise des techniques employées. Certaines œuvres sont d'une grande finesse, les traits des visages tout particulièrement se révèlent parfois troublants de beauté et de vie. La nudité des personnages semble rappeler que la pudeur n'a pas toujours été une règle établie en Inde. J'ai lu quelque part que ce serait les britanniques qui aurait modifié les mœurs des indiens durant la colonisation, et, sans pouvoir l'affirmer toutefois, je suis plutôt enclin à le croire...

Ganesha
Sûrya, divinité védique du soleil.

A 10 kilomètres de Mathura se trouve la ville de Vrindavan, également sacrée et rattachée à la vie de krishna. Les temples y sont particulièrement nombreux et pour la plupart dédies à Krishna. J'ai passé la journée à errer dans les ruelles de cette ville en compagnie d'un disciple Hare krishna sympathique qui s'est improvisé guide pour l'occasion. L’atmosphère régnant en ces lieux est paisible et empreinte de dévotion, et c'est un peu à regret que je quittais la ville en fin d'après midi... Si je reviens en Inde, je sens que je reviendrais séjourner bien plus longtemps à Mathura et Vrindavan!

Il est bientôt 19h en Inde, l'heure de la Yamuna arthi... Demain matin départ pour Delhi.

aparte # 3

Durant longtemps je n'ai pas vraiment aimé l'Inde. Surtout, je n'ai pas aimé la population indienne. Je les trouvais envahissants, bruyants, impolis, rustres, incultes.... Il n'y avait guère qu'avec l'architecture folle des villes, les temples et les sculptures magnifiques que je ressentais une forte résonance.

Il me fallut longtemps -deux mois-  pour absorber le choc culturel, commencer à faire abstraction de ce qui me heurtait pour commencer à me sentir en harmonie avec ce pays et sa population. Il me fallut quitter les parcours touristiques, quitter les villes transformées en parc d'attractions pour occidentaux comme Rishikesh,  Kochin ou Hampi (quoique la splendeur de ce dernier site vaille le détour.)

Il me fallut découvrir Haridwar, cette ville sacrée traversée par le Gange. Une des quatre grandes villes ( avec Allahabad, Ujjain et Nasik), ou prend place tout les douze ans le célèbre et gigantesque rassemblement de sannyasin et sadhu, nommé Kumbha Mela.  Haridwar fut véritablement mon premier coup de cœur, j'ai adoré y flâner dans son gigantesque marché, y déguster de savoureux lassis et autres sweets, dévorer de merveilleux thali à 25 roupies dans des petit dhaba ( petit restau populaire)...

J'ai découvert cette ville dans une atmosphère oscillant entre fête et guerre civile durant la célébrations de Diwali, la fête des lumières ( en fait, surtout des pétards et feux d'artifices), et ai été touché par le caractère souriant, accueillant, et surtout naturel de la population. Sans doute du fait de l'absence des touristes en cette ville. L'inde authentique et puissante, enfin...
Haridwar pour les visnuite, Hardwar pour les sivaites, qu'importe, je t'aime!




Je suis maintenant à Varanasi, et je dois dire que cette ville est surprenante.
Je l'ai très peu apprécié les premiers jours, il m'aura fallu une semaine pour commencer à en percevoir la puissance, l'énergie dévotionnelle qui y règne, admirer son architecture folle, aimer me perdre dans ses ruelles envahies par les vaches. Malgré les touristes, malgré les chiens agressifs dès la nuit tombée, malgré les commerçants et rikswaws sans cesse en train d'harceler le passant non indien, je commence à tomber sous le charme de cette cité sacrée, indéniablement  troublante et vivante...

L'Inde est folle, colorée, démesurée, bruyante, assourdissante. Éblouissante. L'Inde, terre d'extrême, folie de la vibration.
 
(image: http://www.trecom.fr/raag%20inde/Khumchotababa.jpg & http://tripp.in/wp-content/uploads/2010/01/kumbh-mela.jpg)

Kochin

Kochin m'apparait comme un lieu de repos confortable pour les nombreux touristes y séjournant. Avec ses larges rues propres et ordonnées, ses grandes maisons révélant l'aisance des propriétaires et ses restaurants vendant de la "Western continental food" à des prix cinq à dix fois supérieurs aux autres restaux indiens, cette riche ville portuaire me rappelle  par moment Pondichéry. De nombreux centres d'ayurveda y sont implantés, mais il s'agit, selon un ami connaisseur, "d'attrapes-touristes" à fuir, les seuls centres fiables dans les environs étant à Ernakullam.
http://www.zphoto.fr/pecheur_photo450058.html


 Hormis les bords de plages, où l'on peut observer les pêcheurs indiens manipuler d'imposants et surprenants filets mécaniques selon une méthode très ancienne basée sur le principe de la grue ( une lourde pierre fait office de lest, les hommes tirant sur les cordes pour remonter ou redescendre l'immense filet...), il y a cependant peu de monuments, temples ou lieux intéressants à visiter, et notre séjour dans cette ville aurait sans doute été de plus courte durée si nous n'avions pas découvert le "Kerala Kathakali center", dédié aux arts traditionnels indiens comme la danse, la musique et le kalaripayat (art martial du sud de l'Inde). Trois soirs de suite nous avons ainsi pu assister à deux concerts de musiques ( un mêlant tabla et sitar, un mêlant tabla et flûte) et un spectacle de danse en trois parties présentant 3 formes de danses traditionnelles: bharata natyam, mohiniyattam et kuchipudi. J'ai été particulièrement sensible à la  gestuelle des yeux et des mains des danseuses. Je me souviens notamment d'un passage où l'une des danseuse mimait le personnage d'Hanuman - le singe dévot de Rama dans le Râmâyana-  à la perfection, l'espace d'un instant, Hanuman fut réellement présent sur scène... Mais me contenter de parler des danseuses serait manquer de justice envers les autres artistes présents,tous ayant fait preuve d'une grande maîtrise,
J'ai cependant regretté la faible affluence des spectateurs, dans une ville ou les touristes ne manquent pourtant pas! Manque d’intérêt ou manque de communications? Les deux peut-être...

Le centre abritait par ailleurs un petit restaurant tenu par deux jeunes étudiants sympathiques et visiblement très heureux de notre présence ( Logique vu que nous étions leur seuls clients!)
Ophelia sympathisa avec eux et l'un d'eux nous invita même à son anniversaire dans le domicile familial, le dernier soir avant notre départ pour Mangalore ( train de nuit). Très naïvement j'imaginais un anniversaire presque à l'européenne, plutôt entre ami avec musique à fond... Autant dire de suite que cela fut très différent!

Après avoir croisé par hasard notre jeune hôte,  nous le suivîmes dans un dédale de petite ruelle menant a la maison familiale. Au moment d'arriver devant le portail, j'aperçus un homme visiblement très malade (maladie de peaux dont j'ignore tout...), qui nous voyant arriver, se réfugia dans une pièce à part de la maison dans laquelle il resta enfermé toute la soirée. Contrairement à la vie publique,  les maladies et handicaps ne se montre pas aussi facilement dans le domaine privée... Pénétrant dans la petite cour, nous fumes accueilli par les parents et les sœurs, le seul ami présent étant l'autre jeune serveur du restaurant. La maison était visiblement constituée de 3 ou 4 petites pièces, toutes presque vides à l'exception du salon, dans lequel se trouvait une télé, une petite table à manger et trois chaises, les murs étant ornés de photos et posters de diverses figures religieuses chrétiennes, ainsi que d'un portrait du pape Benoit XVI parée de fleurs et lumière fluo très kitch. Typiquement indien!
Famille Chrétienne donc, plus pratiquante sans doute que bien des européens!

Le moment du repas fut pour nous une expérience déroutante, ils nous installèrent tout les trois à tables ( eux restant debout) et après nous avoir fait boire un bon litre de bière ( les jeunes indiens adorent la bière), ils nous servirent un copieux thali sur des feuilles de palmes. Ils insistèrent pour que nous mangions tandis qu'ils restaient debout devant nous, observant nos réactions et appréciations.... Autant dire que nous n’étions guère à l'aise, craignant de faire des gaffes par ignorance de leur coutumes!
Vint ensuite le gâteau que nous mangeâmes tous ensemble cette fois, puis, après avoir chanté leur versions du "bon anniversaire", nous priment une photos de groupe, après les avoirs assurés que nous nous souviendrions toujours de cette soirée. Leur désir de laisser une trace positive dans notre mémoire était vraiment palpable, j'ai souvent eu cette impression que les indiens accorde une grande importance à l'image qu'ils laissent dans la mémoire de leur hôte, ainsi que de leur envie constante d’être pris en photo dans tout les lieux qu''ils visitent. Peut-être est ce pour eux une manière de survivre au-delà de la mort?

Les ayant quittés, nous retournâmes quelques instants dans le restaurant de nos jeunes hôtes pour un cay, avant de prendre le train de nuit à destination de Mangalore.

Allepey


A 3h30 du matin, nous posons enfin pieds sur le sol de la gare d'Allepey. 
Malgré l'heure, le lieu est encore animé par les allées et venues des voyageurs. Certains dorment sur le quai et dans le hall... Quelques rikshaws attendent dehors, le toit revêtu d'une bâche en plastique mouillée qui semble indiquer un temps pluvieux. De fait, le sol est trempé, l'air chaud et humide. Si nous avions échappé à la mousson jusque là, il semble bien qu'elle nous attendait patiemment au Kerala!
Légère tension entre Julie et moi au moment de choisir l’hôtel où passer la nuit, j'ai repéré dans le guide lonely planet (ironiquement appelé par les indiens la "bible" -des voyageurs-) une guest house apparemment confortable à 350 roupies, Julie une plus basique à 250. Pour une fois je modère mon tempérament dictatorial et lui laisse le dernier mot... Nous ayant déposé devant l’entrée d'une lodge d'apparence rustique, le rikshaw réveille le malheureux gérant, qui nous attribut rapidement une chambre. Enfin une chambre, une cellule de prison plutôt!  Pas de salle de bain, une pièce sale de 12 m2 et deux lits très sommaires... Ajoutons à cela la faune locale: une grosse araignée, visiblement très bien nourrie par les dizaines de moustiques hantant les lieux, ainsi que d’énormément cafards se baladant dans la salle de bain commune. Que de réjouissances!
Pris d'un éclair de génie, je commence par rendre l'air irrespirable en bombardant la pièce de spray antimoustiques, et réclame ensuite un 3e matelas pour dormir par terre.
Ambiance tendue dans la chambre, Ophelia et moi étant remontés contre Julie à l’idée d'avoir économisé 33 roupis chacun pour se retrouver dans un tel taudis...
Pris d'une crise de parano, la saleté de mon matelas me fait craindre de choper la gale, et c'est recouvert de ma moustiquaire que je m'endors... En priant que ce ne soit pas mon linceul.
Me réveillant tôt le lendemain matin, je profite du sommeil des filles pour explorer la ville à la recherche d'une poste et d'un point internet. L’air est déjà très chaud et moite, les rues, sales, boueuses et couvertes de flaques d’eaux, me semblent complètement dénuées de charme. Le premier aperçu de la ville n’est guère positif… A mon retour nous plions bagages et nous rendons à la guest house qui avait attirée mon attention dans la “bible”.
Les lieux se révèlent agréables, le personnel accueillant et le prix de la chambre correcte, soulagés, nous pouvons enfin nous poser! Le propriétaire nous propose également ses services de ballades en houseboat. Je suis –par principe…- méfiant au départ mais le bateau qu’il nous montre en photo semble vraiment confortable, voir luxueux . Il pourrait bien sur s’agir d’une arnaque, mais le proprio me semble honnête… Espérant avoir une bonne intuition je demande leur aval aux filles, Julie est ok d’emblée, Ophelia hésite, puis fini par se laisser tenter, après tout ce n’est sans doute pas une expérience que nous aurons l’occasion de revivre souvent!
L’après midi nous flânons dans la ville, chacun de notre cote. J’erre le long de la rivière, de nombreuses petites embarcations en bois sont amarrées aux berges, ambiance paisible et bucolique… Le soir, sur la terrasse de l’hôtel, nous faisons  connaissance avec deux voyageurs anglais accompagné d’un jeune indien sikh de notre âge, rencontre au cours de leur trajet. Revenant d’une ballade en barques dans les lagunes, ils ont fait le régal des moustiques, leur jambes particulièrement sont couvertes de gros points rouges… Un avertissement pour notre ballade a venir!
Le lendemain matin nous embarquons donc à bord d’un de ces fameux “houseboat”, dirigé par deux “marins” keralais ne parlant presque pas un mot d’anglais mais au tempérament très accueillant. Les lieux sont tels que les photos le montraient, voir même encore plus luxueux. Très agréablement surpris, nous nous laissons porter par le rythme paisible et fluide du bateau. Les backwaters se présentent comme un immense lac dans lequel se jettent de nombreuses petites rivières. Sur les brins de terres qui cernent les lieux se trouvent quelques habitations, commerce, ainsi qu’une école et un temple / église ( vestige de la présence des portugais ou des anglais sans doute).
De nombreux indiens se baladent sur les berges, certains s’y lavent ou y font leur lessive, frappant avec force les vêtements contre les pierres, selon une méthode qui n’a sans doute guère change depuis des siècles, voir des millénaires…
Ces paysages évoquent immanquablement l’image d’une Venise égarée au cœur de la foret vierge, dérivant lentement sur le fleuve amazone. Par moment cela me rappel également une lointaine ballade sur les eaux du Nil…
Aucune autre occupations que de se laisser bercer par les vagues, savourant l’écoulement du temps "perdu" à ne rien faire, a ne rien être. Le soir nous posons l’ancre au milieux des lagunes, près d’un brin de terre. Comme pour le midi, le repas préparé par le capitaine et son acolyte se révèlent particulièrement savoureux et très - trop!- copieux. La nuit noire recouvrant le lac des 6h du soir modifie la perception du temps, 20h me semble être comme 00h!  Me dirigeant donc assez tôt vers le lit, j'aperçois les deux keralais dormant dans la cuisine, à même le sol. Ophelia est choquée, gênée par ce qu’elle perçoit comme une condition misérable, elle hésite à leur proposer de dormir sur les canapés du salon. Pour ma part je ne sais trop quoi penser, je m’attendais également à ce qu’ils dorment dans le salon ou à l’étage, mais j’ai si souvent vu dormir des indiens à même le sol, dans les lieux les plus inconfortables et incongrus imaginables, que je me demande si ce n’est pas pas finalement nous qui tendons à tout dramatiser, trop habitué au confort occidental, à percevoir notre mode de vie comme le plus désirable et juste qui soit.
Quoiqu’il en soit, les ronflements qui résonne de la cuisine indiquent que nos hôtes dorment déjà à poing fermés, tandis que nous perdons vainement notre temps dans nos monologues intérieurs.
Les filles tentent de regarder la télé, mais l'écran refuse d'afficher la moindre image. Alors que je m’apprête à sombrer dans le royaume de Morphé, j’entends soudain des cris d’effroi venant du salon. Intrigué je rejoins les filles… Fausse alerte! Il s’agissait d’une chauve souris – énorme selon elle - qui, étant attirée par la lumière, avait fait un bref passage dans le salon…. Assez amusé par leurs cris stridents, je retournais dans ma chambre et m'endormis, porté par le balancement des vagues.

Dès l’apparition des premiers rayons du soleil matinal, le bateau se remet en route vers le port, rejoignant en chemin de nombreux autres houseboats. L’apparence de ces embarcations me rappellent les Omu- ces étranges insectes limaces présent dans Naussicaa de Myazaki- j’observe amusé ce spectacle comme si j’assistais à une migration de limaces géantes glissant sur les eaux.
Rendu à terre, nous rejoignons le rikshaw réservé la veille pour nous rendre à la gare routière, afin de prendre le bus pour Kochin, grande ville portuaire et touristique à une heure de route d’Allepey. Le trajet se déroule sans encombre jusqu’a Ernakullam, ville voisine de kochin… marquant également l’arret final du bus! Fort Kochin se situe au bout d’une péninsule donnant sur la mer arabe, pour la rejoindre depuis ernakullam, le plus rapide est de traverser par bateau… L’idée est plutôt réjouissante au premier abord, mais nous déchantons vite au moment d’entrer dans le hall de réservation du port, qui se révèle particulièrement bondé! Une immense queue formant un S commence dès les portes d’entrées… A vue d’œil nous sommes bon pour deux heures d’attentes dans la foule indienne! Dépités nous sortons nous poser sur le quai pour chercher un plan de secours. Le trajet en bus semble ingérable : 1h dans un bus public. Le taxi, plus confortable, met cependant la même durée et se révèle très cher…Julie se propose de commencer la file d’attente et de venir la relayer ensuite. Cette initiative nous porta chance, il y avait en fait une file réservée aux femmes, et de ce fait presque vide, les femmes sortant beaucoup moins que les hommes… Nous embarquons donc dans la navette, sous les regards intrigués des indiens. Le trajet est court (20 minutes), en chemin nous croisons de nombreux et imposants bateaux de commerces et navettes militaires, ainsi qu’une improbable navette touristique avec une proue en tête de cygne et les flancs arrières parés d’ailes blanches.

C’est finalement en début d’après-midi que nous posons pieds sur le sol très touristique de fort Kochin.

here & now, nowhere.

"L'émerveillement est comme un bond de l'âme qui unifie soudain l'être entier et le plonge dans un recueillement spontané. Sans ces instants de grâce où l'apparence cède à la transparence, toute pratique, tout acte artistique, rituel... resteraient à la surface d'eux-mêmes, laissant la plupart des hommes enfermés dans leur corps mortel comme l'escargot dans sa coquille, enroulés dans leurs obsessions à la manière des hérissons, modelant sur eux-mêmes leur idée du Dieu bienheureux. "

Colette Poggi, suivi d'une citation de Clément d'Alexandrie, dans sa préface du nouveau livre d'Eric Baret : Corps de Silence.
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Miam!
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Madurai-Allepey by train.

 Après une brève attente, le train arrive enfin à quai. Emporté par le mouvement de la foule - en Inde comme en France, la logique de "laisser descendre avant de monter" est inconnue des usagers- nous nous précipitons dans la rame et trouvons, miracle, trois place assises. Mais très vite, deux indiens arrivent et nous demande de leur laisser les sièges... Leurs sièges en fait comme en attestent les numéros inscrits sur leur billets. C'est à ce moment là que nous réalisons que le guichetier nous a vendu des billets sans réservations, en placement libre (ce qui, en Inde, signifie rester debout durant tout le trajet tant il est rare d'avoir des places vides...)
Nous nous retrouvons donc debout dans le couloir, un peu inquiet à l'idée de devoir rester ici durant tout le voyage...
Assez rapidement cependant, un cinquantenaire sympathique me propose de s'asseoir à cote de lui. Je refuse poliment dans un premier temps et propose la place aux filles -Oui, quel gentleman je suis!- mais l'homme semble insister pour que ce soit moi -et non les filles- qui s'assoit en premier. (Oui, la politesse indienne est bien différente de la notre). Il m'explique qu'en monnayant avec le contrôleur nous pourrons sans doute avoir trois places, voir même, avec beaucoup de chance, un lit en sleeper class.

Détail amusant -en y repensant...- nous n'avions même pas pensé à demander la durée du trajet ou l'heure d'arrivée supposée. En fait nous ne connaissions même pas le parcours du train, nous savions juste qu'il marquait l'arrêt à Kochi et Allapuzzha, et cela nous avait suffit... Leçon du jour: en Inde la naïveté se paie très souvent au prix fort: nous apprenons donc que le train ne coupe pas du tout a travers les montagnes du sud de l'Inde, comme nous le supposions, mais redescend jusqu'à la pointe de Kanyakumari puis remonte la côte, ce qui nous fais donc plus de 10h de trajet. Un rapide et facile calcul nous fais donc -cruellement- réaliser que nous arriverons au mieux entre 2 et 3h du matin...
Ceci dit, moyennant un bonus de 50 roupies, le contrôleur nous donna trois sièges ( ou plutôt vira d'autres personnes assises là pour nous donner leur places, ce qui ne manqua pas de nous mettre mal a l'aise...). Nous voici donc installés au milieu d'un groupe de jeune indiens ( entre 20 et 30 ans), visiblement très intrigues par notre présence dans le wagon. Certains se firent une joie de converser avec nous durant une grande partie du trajet, et finalement, entre 17h et 23h  je ne vis pas le temps passer... J'eus un certain succès lorsque j'entrepris de lire mon "teach yourself hindi", une fois de plus les indiens apprécièrent beaucoup le fait que l'on tente de s'initier à leur langue et culture. Mon voisin, un trentenaire originaire de Delhi, me gratifia même d'une courte conversation en hindi, avant de revenir à l'anglais (il compris assez vite que j'étais vraiment débutant!).

Malgré toute la bonne volonté et sympathie des indiens, les trois dernières heures parurent vraiment longues et inconfortables (impossible de dormir sur ces sièges en bois- les indiens y arrivent très bien, mais pour nous, pauvres petits occidentaux habitués à notre confort, cela relèvent du challenge!- Sans compter qu'à chaque arrêt que marquait le train je sortais de mon demi sommeil en guettant avec un peu d'inquiétude le quai, espérant ne pas louper notre station... Entre rêve éveillé et demi sommeil, je finis par perdre peu à peu le sens de la réalité, et me laissa porter par le rythme étrange de ce trajet ferroviaire...  Une seconde, une minute ou une heure, un voyage en train est parfois un bon moyen pour s'initier à la relativité du continuum espace-temps!

C'est finalement à 3h30 du matin que le train nous déposa à la gare d'Allepey/Allapuzha.

Madurai

Vers 17h, le train nous dépose enfin à la gare de Madurai, idéalement située près du centre ville. Ayant repéré un hôtel proche et, selon le guide lonely, bon marché, nous nous mettons en route... Cependant, des l’arrivée, le plan semble foireux: les grandes portes d’entrées sont surveillées par deux gardiens richement habillés, et le hall d'accueil est particulièrement classieux, choses très suspectes pour un hôtel "budget" en Inde...
Le réceptionniste confirme mes craintes, la chambre double ( que nous attentions aux environs de 600 roupies)  démarre à 1400 roupies... la triple à 1800! Bon je sais que le niveau de vie augmente d’année en année en Inde, et ce à une allure exponentielle, mais tout de même!
Dépites, nous nous apprêtons à quitter les lieux lorsque trois femmes espagnoles - entre 40 et 50 ans à vue d œil- nous abordes. Visiblement elles ont assisté à notre débâcle, et souhaitent nous proposer un plan très sympathique. Venues assister à un rassemblement de Satya sai baba ( leurs vestes arboraient fièrement un portrait du célébrè Guru), elles avaient réservé une chambre pour 4 jusqu'au lendemain soir. Mais un concours de circonstance les oblige à quitter Madurai ce soir même, laissant la chambre vide mais déjà payée... Elles nous offre donc tout simplement- et gratuitement- les clés de leur chambre!
Inutile de dire que nous avons eu du mal à dissimuler notre enthousiasme, une chambre de luxe gratuite...
Mais, mais..! C’était sans compter sur la mesquinerie du réceptionniste qui était bien décidé à ne pas laisser rentrer gratuitement trois jeunes étudiants! Refusant de nous laisser la chambre sous prétexte qu elle n’était pas réservée à notre nom, il nous proposa le deal suivant: nous pouvions avoir la chambre pour cette nuit à condition de rester également la nuit suivante, nous devions donc payer une nuit sur deux.
Problème, la chambre de ces généreuses espagnoles était une suite luxueuse pour 4 personnes, coutant la jolie somme de 2400 roupie (environ 40 euros). Bon au fond j'étais très tenté, ça ne faisait jamais que 13€ par personne, et après tout c'était sans doute la seule occasion que nous aurions de dormir dans une Suite en Inde! Mais Julie, nettement moins dépensière que moi disons, n’étant pas du tout emballée par le fait de payer une telle somme. Après un long débat nous avons fini par abandonner ce plan pour partir à la recherche d'une chambre "low budget" dans un autre hôtel du quartier. Nous nous posons finalement dans un hôtel sans charme, au personnel vraiment peu accueillant, et pas très bon marché, mais Madurai est une ville assez chère visiblement...

Le soir, nous dinons dans un restaurant très chic, situé sur le toit d'un hôtel de luxe. Étonnamment les prix ne sont pas aussi excessifs que le tarif des hôtels laisserait attendre. Le repas est bon et surtout la vue sur Madurai de nuit vaut à elle seule le détour.

Le lendemain, visite de l'immense et très célèbre Sri Meenaksi temple. Encore une fois mes talents littéraires limités ne me permettront pas de rendre compte de la puissance, la splendeur qui se dégage de ce temple, mais je vais tenter un bref aperçu...
Au cœur de la ville, une gigantesque enceinte couverte de sculptures peintes de couleur fluo -très kitch, très bling bling, tres indien!- abrite un vaste ensemble de couloir et de pièce dédiées à la réalisations des cérémonies et rituels. Murs, plafond, piliers... toute la surface du temple -intérieur comme extérieur- est ornée de fresques, gravures et de sculptures. La majeure partie du temple est accessible aux grands publics, mais quelques salles toutefois restent réservées uniquement aux hindous pratiquants.
Chose qui peut paraitre assez surprenante dans un tel lieu sacré ( mais qui semble finalement assez logique suivant la culture indienne), un véritable marche de babioles, cartes postales et souvenirs -de plus ou moins bon gouts...- sont présents dans une des grandes salles du temples. Le tout relevant à mes yeux plus du gadgets moche et inutile que de la belle réplique d’antiquités, j'ai traversé cette salle en coup de vent. Enfin, aussi rapidement que me le permettait les nombreux "come in my shop just a free look" qui ne manquaient pas de me tomber dessus! Il y a tout un art de l'esquive du commerçant indien, les lunettes de soleil font partie de l'arsenal de base ( le gros casque audio doit aussi marcher je pense).

Après la visite du temples, nous faisons escale dans quelque boutiques puis nous rendons a la gare pour réserver le billet de train. Les places se révèlent vraiment peu cher, et nous pensons -très naïvement- avoir fait une bonne affaire...

Thanjavur - Madurai by train.

Après deux jours passés à Thanjavur, nous prenons un billet pour Madurai. Le train est annoncé pour 12h15, je dis bien annoncé : les horaires indiens sont toujours donnés à titre indicatif;  les demi heures de retard sont très fréquentes...) Contrairement au français qui pestent des qu'un train à  5 minute de retard, les indiens se montrent d'une patience assez impressionnante, sur les quais du moins... Lorsqu'il s'agit de monter dans le train, c'est une véritable ruée vers l'or (l'or étant la place assise), et là c'est clairement chacun pour sa peau!

Mais revenons à nos moutons -de fer-. Le train arrive donc, presque à l'heure et assez chargé... Enfin, nous ne sommes pas écrases comme des sardines, mais il n'y a plus aucune places assises sur les banquettes. Qu'à cela ne tienne, alors que je m’apprête à ranger les sacs sur le porte-bagages situe au dessus des banquettes, je vois un homme allongé dessus. Visiblement les portes bagages indiens, c'est du solide!  ( pour cause, ce sont des grosses barres métalliques fixées aux cloisons!). Amusé, je trouve que ce n'est finalement pas une mauvaise idée, et, avisant un autre espace libre, je grimpe sur ces sièges de fortunes, et m'y trouve finalement assez confortablement installé.
Les filles sont cependant beaucoup moins emballées par cette idée, voir même carrément sceptiques. Mais elles finiront par m'y rejoindre après avoir vu le grand nombre d'indiens assis sur ces structures... l’idée de rester debout pendant 5 heures les aura sans doute également aidée à vaincre les quelques réticences restantes! Les indiens assis sur les banquettes en dessous de nous sont visiblement assez amusés de voir des touristes perchés sur ces structures. Les filles râlent un peu pour la forme, puis, le train partant, finissent par s'assoupir.
Bon, ce n'est certes pas le mode de transport le plus confortable, mais je lui trouve un certains charme.

Durant l'escale à Trichy, le train se vide d'une grande partie des voyageurs, ce qui nous permet de descendre nous asseoir sur les banquettes. Comme à chaque escale ferroviaire, de nombreux vendeurs de nourriture, boissons et gadgets ambulant circulent dans les rames du train en criant d'une fois nasillarde le nom des produits qu'ils vendent. Très souvent résonnent le " Cay- garam, cay- coffee" ou autre " Biryani- veg biryani" ( plat populaire de riz épices avec légumes). Nous prenons chacun une barquette de Biryani ( 20 roupies l'unite, un prix correct.) Une fois le plat fini, je cherche une poubelle pour jeter la barquette, mais mes recherches resteront infructueuses, il n'y a rien de tel dans le train. J'observe les indiens pour voir comment ils font. Question naïve, bien évidement, ils jettent tous leur détritus par les fenêtres!
Le train repart, Ophelia sympathise avec ses voisins en donnant de quoi dessiner à une petite fille de 9 ans assise en face d'elle, toute de bleu et vert vêtue.
Munie d'un petit guide de voyage, elle tente de parler tamil avec son voisins,  ce qui remporte un énorme succès! Tout le compartiment  s'amuse de ses bafouillages, un voisin l'aide pour la prononciation de quelques phrases basiques comme "Quelle heure est il, quel est votre nom, quel âge avez vous..."
Ambiance chaleureuse et souriante dans le wagon, en y repensant,  les indiens se montrent souvent très curieux et sociables, particulièrement dans les transports en commun!

aparte 2# (Mac Leodgang)

Les premiers rayons du soleil viennent tout juste d'apparaitre lorsque je monte sur le toit de la guest-house pour contempler le paysage.
La chaine de montagnes, sur les flancs desquelles se trouvent les villages de Bhagsu et Mac Leodgang, forment un croissant de lune, ne laissant au regard qu'une faible ouverture vers l'horizon.
Villes et vallées sont encore plongées dans une légère pénombre, et seuls les hauts sommets des montagnes sont touchés par l'astre solaire. 
Reflétant la lumière de l'aube, les arbres qui les recouvrent se parent lentement d'une teinte oscillant entre le jaune doré et le vert émeraude.
Le souffle du vent, le piaillement des oiseaux, le croassements des corbeaux, et le bruit à la fois proche et lointain de la chute d'eau -inaccessible à ma vue mais que je sais cachée derrière une montagne-, sont les seuls bruits résonnants en ces lieux. 
Se laissant porter par les vents, de grands aigles volent dans le ciel en traçant des cercles autour de la cime des arbres.
D'abord d'un blanc laiteux, le ciel s'emplit peu à peu d'un bleu prometteur d'une matinée ensoleillée. Mais en cet instant, l'air est encore froid et humide, il porte la mémoire de la nuit noire et glacée qui règne en cette région. Air gelé, mais d'une grande pureté, qui caresse la peau grelottante, emplit les narines et les poumons d'un souffle vivant.

Petit à petit, les rayons du soleil, descendants sur les flancs des montagnes, réchauffent les maisons les plus hautes. Bientôt, l'ensemble de la ville sera illuminée, et, réveillés par cette source de vie, les hommes sortiront de leur logis. L'agitation et le bruit de l'activité urbaine prendront alors le pas sur le calme et la splendeur tranquille régnant, pour quelques instants encore, dans le cœur de la vallée.

Thanjavur

Nous étant réveillés assez tard, notre seule occupation de la matinée fut d'aller déjeuner dans un restau vegétarien -honnête et bon marché- près de la gare ferroviaire, agrémenter de quelques "sweet" achetés dans une pâtisserie indienne. (Thanjavur est célèbre pour ses "sweet" semble t-il)
C'est donc en début d'après midi que nous nous mettons en chemin pour le célèbre brihadisvhara temple de Thanjavur, construit sous le règne de  Rajaraja (985-1012 AD) et considéré comme un chef-d'oeuvre de l'architecture Chola.
En chemin, nous croisons des ouvriers en train de couler du bitume pour rénover la chaussée. L'odeur qui s'en dégage agresse fortement les narines et les yeux, laissant supposer une très forte toxicité des produits utilisés... Malgré tout, les ouvriers travaillent sans gants ni masque respiratoire. Ignorance du danger ou simple indifférence?
Non loin de la, sur le trottoir, un homme dort allongé à même le sol, indiffèrent à l'odeur et aux bruits de la circulation. J'ai beau croisé des dizaines d'indiens dormant dans les lieux et dans des positions les plus improbables, les capacités d'abstraction des indiens ne cessent de me surprendre. Non que cela me choque, au fond j'aimerais être capable de m'endormir aussi facilement n'importe où!
Je ne pense pas qu'il s'agisse toujours de "sdf", j'ai parfois vu des gérants d’hôtel s'installer devant leur hall d'accueil pour dormir sur une planche en bois... Après tout, pourquoi pas, il est vrai que les nuits sont chaudes dans la majeure partie de l'Inde!

Visite du brhadisvara temple

L'arrivée devant l'entrée du temple est déjà un spectacle en soi, l'immense porte d'entrée est surmontée  de nombreuses sculptures représentant diverses divinités et personnages mythologiques (et en regardant bien, cachés dans un recoin de la tour, on peut même apercevoir deux couples s'adonnant à des pratiques fort impudiques ;)
Comme la plupart des temples anciens, la peinture qui ornait les sculptures à l'origine a disparu, il ne reste donc que la couleur de la pierre brute, de couleur ocre. A noter au passage que comme pour tout les lieux sacrés indiens, on ne peut y pénétrer que pieds nu, détail insignifiant la plupart du temps, hormis dans les temples à ciel ouvert comme celui ci, la température du sol devenant, sous l'impact du soleil, très élevée... sans doute est ce une préparation pour apprendre à marcher sur les braises!

L'enceinte rectangulaire abrite un temple principal aux dimensions imposantes, autour duquel sont dispersés trois autres plus petits, mais néanmoins tout autant dignes d'être contemplés.
Les sculptures et gravures qui les ornent sont d'une grande finesse, sans atteindre la splendeur des temples d'Halebidu et Beluru toutefois (j'y reviendrais bientôt).
Dans les couloirs longeant les murs d'enceintes se trouvent des petites cellules abritant des sculpture de diverses divinités, ainsi qu'un grand nombre de lingam, tous parés de divers attributs, ornements et bougies indiquant qu'un culte leur fut rendu durant la journée.

En visitant un des petits temples annexes, j'entends les brahmanes faire sonner les cloches annonçant la puja (cérémonie rituelle). Dans la cella, après l'avoir ornée de multiples marques de pigments et fleurs, les brahmanes éveillent la divinité en faisant passer une flamme devant elle... Témoin de cette scène, je me sentais un peu comme un intrus, comme si le fait de regarder la réalisation d'un acte dévotionnel, sacre, sans y participer également relevait d'une forme de sacrilège ou d'offense... Je me contentais donc d'observer de loin, ne sachant quelle attitude adopter sur le moment.
En sortant du temple, j’aperçois derrière le mur d'enceinte un éléphant enfermé dans une cage, une patte solidement attachée à un piquet au sol. Ne pouvant que rester sur place, l'imposant pachyderme se balançait de droite à gauche, comme pris dans une danse hypnotique et répetitive. Je ressentis une forme de tristesse à la vue de cet animal enfermé dans sa cage, exposé ici comme une bête de cirque...


Le Museum de Thanjavur.

Ayant laisse derrière nous le temple, nous nous rendons au très beau musée de Thanjavur, où de nombreuses sculptures en pierre et en bronze sont exposées. La section des bronzes tout particulièrement abrite quelques magnifiques chef d’œuvre. Ces sculptures sont exposées dans trois salles différentes ayant chacune une thématique dans la façon de grouper les divinités... Une première salle abrite des couples de divinités, une seconde de nombreuses et très belles sculptures de Ganesha ( nomme ici vinayagar), de la déesse Parvati ( épouse de Shiva) dont une représentation de Thiruvelukkudi m'a particulièrement touchée, tout en fluidité et élégance, courbes et poitrines généreuses comme il est d'usage dans la statuaire indienne, mais ici avec une finesse et un réalisme assez émouvant. Enfin plusieurs représentations d'un petit personnage dansant sur un pied nomme Thirugasambandar. Il me semble impossible de décrire la beauté de ces sculptures autrement que par un poème, n'ayant pas cette qualité je ne peux que les nommer... En tout cas ce sont vraiment des pièces d'une grande finesse!
Dans la dernière salle sont exposées de nombreuses représentations de shiva natesha (ou  nataraja, bien que cette dernière dénomination soit impropre: bien plus qu'un simple roi -raja- Shiva est bien le Seigneur de la danse "nata-isha"), parmi toute les représentations de divinités, shiva natesha est sans doute une des formes les plus célèbres en occident ( avec ganesha), le nom ne vous dit rien? mais si, ce personnage à quatre bras, dansant sur un pied et entouré d'un cercle de feu... bon voici quelques images pour vous rafraichir la mémoire:






















Et pour le fun, un deuxième expose au musee guimet. Enfin, comme je vous sais avide de lecture, voici un article de références sur les sculptures indiennes dans leur rapport au temps et au mouvement : Un cinema solide, par Paul Mus.

 La plupart des pièces datent du 11e siecles, hormis une curieuse variation d'un Natesha du (17/18e siecle), dote de 8 bras et d'autant d'attributs, dans une position tres inhabituelle ( jambe droite derriere la tete..)

Au final, cette visite fut aussi -encore- l'occasion de confirmer la nature tres curieuses des indiens: il suffit de sortir un carnet pour ecrire ou faire des croquis pour etre aussitot entoure d'une dizaine d'indiens observant la feuille!

Une sortie manquee au cinema

En fin de journée Julie et Ophelia sont prises d'une envie de Bollywood, et se rendent donc au cinema de Thanjavur ou 6 film en tamil sont programmés. Ayant pas mal de temps d'avance, j'en profite pour passer au cyber cafe avant de les rejoindre. L'heure venue je me rends donc au cinema et les retrouve devant le guichet l'air bien dépitée: tous les autres spectateurs présents sont des hommes, jeunes -entre 17 et 30 ans à vue d'oeil-, et ces derniers ne manquent évidement pas de les devisager ostensiblement... Evidement, ce sont les seules filles présentes et qui plus est, des occidentales! Inquiètes à l'idée d'être accostées voir tripotées pendant le film, elles renoncent finalement à la séance. 
Vu l'heure tardive -21h, tardif pour l'Inde- nous reprenons donc le chemin pour la chambre d'hotel...

Une escale à Pondicherry

L'escale à Pondicherry relève un peu de l'accident de parcours, nous n'avions pas prévu de nous y arrêter,  mais les circonstances ont fait que cette ville s'est imposée malgré tout, me rappelant au passage que vouloir absolument maitriser le cours des évenements relève souvent d'une folle et absurde prétention, en Inde encore plus qu'ailleurs!
Avant même d'y être arrivé, je souhaitais déjà repartir de ce que je considère - à tort ou à raison- n’être qu'une ancienne ville coloniale sans réelle saveur...
Cet état d'esprit n'est évidement pas propice à la découverte d'un lieu, pas plus qu'il ne l'est pour les relations humaines...
Cependant, il reste de ce court séjour deux anecdotes sympathiques à raconter...


1/ Le marche de Pondicherry

Perdu dans le cœur de la ville, le marche de Pondicherry est un immense labyrinthe carrée délimité par 4 murs disposant chacun d'un portail d’entrée, devant lequel s'entassent des montagnes de fruits, légumes et autres produits rejetés par le marche.
Il se dégage des fruits pourrissant aux soleil une odeur légèrement alcoolisée, qui, mélangée à celles des autres détritus, révèlent aux passants un bien surprenant parfum.

Pénétrer dans ce marché, c'est se perdre dans un immense labyrinthe d’épices, de fruits et légumes, de fleurs -destinées aux rituels- et de poissons; le tout étant étalé sur les planches en bois des stands, souvent couvertes de feuilles de palmier ou de cocotier.
Les allées et voies de passages sont étroites, et l'on se demande si les échoppes ont été agencées en fonction du chemin, ou si c'est à l'inverse le chemin qui s'est créé autour des stands!
Une faible lumière filtre entre les toits en bois ou tôle des échoppes, et c'est donc dans une atmosphère presque tamisée que le badauds se frayent un chemin.
Le lieu est sans doute bruyant, mais ce qui me revient en mémoire reste cette multiplicité, ce festival d'odeurs et de couleurs sollicitant, parfois à l’excès, les sens des passants.


2/ La gare routière ( aka: une journée en enfer!)


Après renseignement à l'office de tourisme , il semble possible de rejoindre Thanjavur par bus en partant en fin d’après midi. Rassurés, nous nous dirigeons donc vers la gare, espérant -très naïvement- avoir le bus annoncé à 17h.
Mais nous n'avions évidement pas connaissance de l'incroyable chaos de la gare routière de Pondicherry!
Dans cet immense parking se croisent des dizaines ( centaines?) de bus tentant -à grand coup de klaxon- de se frayer un chemin parmi leur congénères. Arriver dans cette gare, c'est un peu comme assister à un gigantesque opera-ballet dansant créé par un compositeur fou (ou sous acide), dans la plus pure tradition de l'art contemporain. Autrement dit : le non-initié ne peut définitivement rien y comprendre.

Toutes les indications- lorsqu'il y en a, sont rédigées en tamil, et donc incompréhensibles pour les non locuteurs...
Il nous reste donc à interroger patiemment le personnel de la gare, contrôleurs et conducteurs... Et c'est à partir de là que le chaotique mais sympathique ballet-opéra devient un véritable casse tête infernal, qui n'est pas sans rappeler "la maison qui rend fou" dans Les douzes travaux d'Asterix...
Car si les indiens répondent presque toujours lorsqu'on leur pose une question, cela ne signifie pas que l'indication donnée soit juste! Non pas qu'ils veuillent dernièrement nous induire en erreur, simplement, je pense qu'ils préfèrent répondre n'importe quoi plutôt que de dire "je ne sais pas", peut être est ce aussi par politesse, afin de ne pas nous contrarier?
Quoiqu'il en soit, à une question aussi basique que "y a t-il un bus pour Thanjavur, à quelle heure part-il?" nous aurons presque autant de réponses différentes que de personnes interrogées!
En une heure de recherches désespérées, j'ai ainsi pu entendre:

"Il n'y a pas de bus pour Thanjavur."
"Il part dans 30 minute voie 1"
"Il part dans 1h30 voie 7"
"Il n'y a pas de direct, prenez le bus pour Cidambaram, puis de là, faites la correspondance pour Thanjavur"

Chaque personnes répondant avec la même assurance, il est difficile de savoir à qui se fier... La méthode la plus fiable me semble finalement d'interroger un grand nombre de personnes et de se fier à la réponse la plus fréquente.
Finalement, âpres 2h30 à attendre un bus inexistant, nous nous résignons à prendre le bus pour Cidambaram, espérant avoir la connexion pour Thanjavur...

Nous quittons donc Pondicherry vers 19h, assis tout à l’arrière d'un bus surchargé et au confort très rudimentaire, si besoin est de le préciser! ( mais au moins avons nous la chance d’être assis.)
Malgré la nuit noire qui règne sur la route -aucun autre éclairage que ceux des véhicules-
le bus roule particulièrement vite ce soir la, klaxonnant à tout va pour sommer aux autres véhicules de s’écarter de son chemin... Sur les routes indiennes comme dans toute la société en générale, la conscience de la hiérarchie est très bien ancrée, c'est le plus fort ou imposant qui gagne!
Les nombreux nids de poules qui parsèment la route nous font faire des sauts qui nous décollent de nos sièges. Enfin je dis "nid de poules", mais c'est souvent plus proches de la crevasse d'obus au fond...
Une terrible et insupportable envie d'uriner me prend sur la dernière heure du trajet, pression insoutenable qui me fait envisager les solutions les plus absurdes pour ne pas me pisser dessus ( pisser par la porte arrière du bus, par la fenêtre ou dans une bouteille d'eau au milieu des passagers...) Une once de fierté me retint, mais j’étais très prés de céder lorsque le miracle se produisit: le bus s’arrête enfin dans la gare de Cidambaram, et juste en face d'un urinoir public! Je n'ose parler de libération ou d'extase lorsque je pu enfin me soulager, mais toujours est il que depuis j'ai appris à prendre mes précautions avant de prendre un bus long trajet...
Les miracles s’enchainèrent ce soir la: malgré l'heure tardive ( 22h30 à Cidambaram) il y avait bien un bus pour Thanjavur! C'est finalement vers 1h30 que nous arrivâmes enfin dans la gare quasi déserte de Thanjavur. Une gare désertique en Inde, c'est très rare... Avisant la place d'un coup d’œil circulaire, une inquiétude me prit: aucun rickswaw à l'horizon, hors nous sommes très à la périphérie de la ville, impossible de rejoindre un hôtel a pied!

Mais la chance fut définitivement de notre cote ce soir là. Un ricksaw fini par traverser la place pour déposer des passagers. Courant à sa rencontre, nous acceptons sans broncher les 100 roupis demandés pour la course, guère d'autre choix... ( et puis au fond la gare était vraiment loin du centre ville).
Le rikshaw nous déposa finalement à deux heures du matin dans un hôtel du centre ville,  prés de la gare ferroviaire. Dernier miracle de la soirée, le personnel de l’hôtel dormait derrière le comptoir, et put donc nous ouvrir et nous louer une chambre pour trois, très sale peu luxueuse et plutôt cher, mais qu'importe âpres ce périple, nous étions bien trop heureux de pouvoir nous effondrer dans un lit!

aparte #1 (Long voyage en Train)

Que ce soit en bus ou en train, les transports Indien ont un point commun: les trajets sont longs et souvent surchargés... Cependant il y a long, et Long! Jusqu'à ce jour, mon trajet le plus long fut Madurai-Allepey, soit 10h de train.
Mais 10h ce n'est rien. Demain, je monterais dans le train Aurangabad-Delhi pour un joyeux périple de 22h! A ce niveau c'est un peu le même ressenti qu'en tant que modèle vivant pour une pose longue: le temps se distord jusqu'à perdre toute consistance, une minute peut alors sembler un siècle.  Entre deux sommeils, les paysages défilent et finissent par se mêler aux rêves... Lorsque l'écoute fait défaut, les songes deviennent souvent une fuite pour palier à l'ennui.

Et il y a aussi l'envie de lire. Les livres sont bien les amis des voyageurs. Désormais je mettrais en lien quelques textes qui m accompagnent aux cours de ces long trajets sur les routes indiennes.

Aujourd'hui, j'ai découvert avec joie  "Le chemin de campagne", de Martin Heidegger.
http://www.omalpha.com/jardin/heidegger1.html


Enjoy!

Mamalapuram

Mamalapuram -aussi nommée Mahabalipuram-, est une ville touristique assez calme, autant que peut l’être une ville indienne... Un point de repos confortable avant d'aborder la plongée dans le sud de l'Inde.
Avec le recul c'est l'impression qu'il m'en reste, mais ce n'est pas le ressenti que j'en eu en y arrivant, il faut dire que j'imaginais un petit village touristique en bord de mer, calme et silencieux!
Donc, non, Mamalapuram reste une ville indienne, avec une circulation assez bruyante et chaotique, des conducteurs de rickshaw tenaces et des commerçants omniprésents, toujours aux aguets d'un touriste à kidnapper...

Ceci étant, en dehors d'anecdotes commerciales, j'ai finalement peu de choses qui vaillent la peine d’être racontées sur ces deux nuits et trois jours passés ici... But well, sum up:

Après être descendu du bus et nous êtres libères des conducteurs de rickshaws qui n'avaient évidement pas manquer de nous assaillir, nous quittons la petite place servant de gare routière pour rejoindre le quartier ou se trouve la plupart des hôtels et guest house de la ville. En chemin, nous nous arrêtons dans un petit snack sans électricité ( l’électricité ne circule pas 24h24 en Inde, hormis dans les lieux dotes de leur propre générateurs autonomes...) pour une brève pause cay café, puis prenons une chambre dans un hôtel ou Julie avait séjourne lors de son précédent voyage. Les chambres sont correctes, le prix également (450 roupies -9- pour trois ), à 9 heures du matin, nous pouvons enfin nous (re)poser!
Je profite de la sieste des filles pour partir explorer la ville, de nombreux commerçants ne manquent pas de m'inviter à regarder leur shop ( looking is free, come in my friend...), je file donc vers la plage en espérant un peu de tranquillité...
Le lieu est calme en effet: malgré le soleil et la chaleur, je n'y croise qu'une dizaine de pécheurs et 4/5 touristes venu bronzer, nager ou surfer...La plage est malheureusement loin d'être belle, de nombreux déchets y sont dispersés, dont beaucoup en plastique. Problème d’éducation et de conscience écologique- les indiens ayant été habitué par le passé à des emballages et produits naturels, donc bio dégradables-, et d'infrastructures, ici comme quasiment partout ailleurs en Inde, on ne trouve aucune poubelle dans les lieux publics.

Sans projet, je flâne sur ce bord de mer, simplement heureux de pouvoir enfin savourer le souffle de l’océan indien... Cette contemplation solitaire sera toutefois rapidement interrompue par deux vendeurs indiens voulant me refourguer des tissus et des colliers.
Si je dois me perdre un jour dans le désert du Rajasthan, je suis sur que la première personne que je croiserais sera un commerçant... pourvu que ce soit un vendeur d'eau!
A propos de plage, se baigner en Inde, ce n'est vraiment pas l’idéal: si la mer reste certes chaude, elle demeure très agitée, avec un fort courant qui ne demande qu’à vous emmener vers le large... et les filles ont le « privilège » d’être escortées en permanence par des indiens qui, de toute évidence, apprécient grandement le fait de pouvoir dévorer du regard un peu de chaires dénudées. (Au vu de la frustration dans laquelle vivent les Indiens, leur réaction est compréhensible, mais ça n’en reste pas moins oppressant pour les femmes).

Reste de la journée banalement touristique: flâner dans les rues, se faire arnaquer par les commerçants très heureux de croiser un voyageur débutant et naïf, et essayer les petits restaux de la ville. A ce sujet, nous fuyons les restaurants pour touristes et mangeons uniquement dans ceux fréquentés par les indiens. Cela nous vaudra de belles surprises parfois, de moins bonnes très rarement... Nous nous sommes tout de même fais une bonne frayeur en mangeant dans un petit restau miteux ou l'on nous servit les parotta et dosai dans une feuille de palme copieusement arrosée d'eau du robinet par le serveur ( rappel: eau courante en inde = pas bon du tout pour santé de l'occidental moyen). Autant dire qu'on a peu mangé ce soir la...

Le lendemain nous visitons un grand jardin public où se trouve une fresque gravée sur pierre, la descente du Gange ou l’ascèse d'Arjuna ( célébré héros de la Bhagavad gita). Lieu sympathique et calme, visiblement propice aux amourettes interdites: en nous baladant dans le parc, nous apercevons une indienne disparaitre derrière un grand buisson... Elle rejoignait en fait son amant qui l'attendait bien sagement à l'abri des regards indiscret! Entre l'esprit de bollywood et le spectre des mariages forces/ arranges, les jeunes indiens tentent visiblement de trouver leur équilibre...


Cette deuxième journée à Mamalapuram marquera aussi une rencontre -tragique pour mon portefeuille- avec une belle boutique d’antiquités, remplit de thangka, sculptures et autres productions du nord de l'Inde. J'aurais sans doute mieux faits d'attendre d'être d’avoir plus d’expérience, je me suis bien sur fait arnaquer sur la plupart de mes achats, mais ce fut une belle initiation au marchandage à l'indienne sur de beaux objets...
L'antiquaire ( d'origine cahsmiri apparemment) fut visiblement assez intéressé par mes études du sanskrit et de l'hindi, et me gratifia même d'une brève discussion en hindi ( consistant surtout en compliments à mon égard afin de me mettre en confiance pour mieux acheter, mais passons).
Une chose est magique avec les commerçants indiens, ils vous font toujours des "very good price (special just for you)", et même lorsqu ils vous annoncent un prix de 10 fois la valeur de l'objet, c'est quand même un very good price. Magique. Et ils sont évidement choqués lorsque vous rétorquez que c'est vraiment beaucoup trop cher.
M'ayant -selon lui- pris en amitié, ce sympathique cashmiri me proposa une écharpe pure cachemire a 111  euros (!). Vraiment un prix d'ami me dit il, pour tout autre personne ce serait au moins 130. N’empêche que j'ai fini par avoir cette écharpe a... 30 euros. Et je pense que cela aurait pu encore baisser!

Ma pratique du sanskrit, de l'hindi et du yoga me valurent aussi une invitation par le serveur d'un restau à boire une bière chez lui. Invitation que je ne pus honorer vu que nous devions partir le lendemain matin ( les filles avaient la bougeotte.). Enfin de manière générale, le indiens sont vraiment interpelles par le fait que l'on étudie le sanskrit ou une de leur nombreuses langues locales. Ils deviennent souvent beaucoup plus amicaux et réceptifs des lors qu'on fait l’effort de prononcer quelques phrases dans leur langue.

Le jour du départ, samedi 4, étant un jour de célébration, tout les transports en communs étaient bondés. Ne nous y étant évidement pas préparés, nous primes finalement un taxi en direction de Pondichéry, en espérant choper là bas un bus ou un train pour Cidambaram. Mais le trajet en plus d’être couteux, était long ( environ 3h), et c'est finalement a 19h30 que le taxi nous déposa a Pondichéry.
Ni train ni bus à cette heure ci pour Cidambaram, et hors de question de reprendre un taxi sur une telle distance, nous étions donc contraint de faire escale à Pondichéry, ce qui ne me réjouissait guère vu que j’étais plein d'a priori négatifs sur cette ancienne ville coloniale...

Arrivee à Madras (Chennai), jeudi 2 septembre

Partis à 11h35 de Paris, nous débarquons à Chennai à 04h30.

Outre un coup de chaleur impressionnant pour cette heure très matinale - déjà plus de 30 dégrée! -,  une légère excitation se fit sentir en sortant de l'avion : nous voilà en Inde, enfin passé du projet au concret !
Mais ne crions pas victoire toutefois, nous avons bien cru devoir repartir aussitôt lors du contrôle des passeports: l'agente de contrôle nous refusa en effet le droit d'entrer sous prétexte que nous n'avions aucune adresse où loger en Inde à notre arrivée, ni contact à appeler.
L'agacement ressenti face à l'absurdité du système administratif céda rapidement sous l'inquiétude de se voir refouler de suite. Heureusement Julie avait avec elle le lonely planet south india, ce qui nous permis d'indiquer le nom d'un hôtel pris au hasard dans la ville de Mamalapuram.
Et cela fonctionna.
Assez absurde comme système mais bon, l'administration à ses raisons que la raison ignore...

Vers 5 heures nous franchissons enfin les portes du grand hall, pour nous retrouver confrontés à notre première mission: rejoindre la gare routière de Chennai.
Aucune indication ne permettait de supposer l'existence d'un bus pour ce trajet, par contre une véritable horde de conducteurs de taxi guettant leur proie client nous attendait devant le hall. Un peu à contrecœur nous nous lançons donc dans la négociation du prix avec les conducteurs, premier contact avec le marchandage à l'indienne et cette "délicieuse" sensation de toujours se faire arnaquer... Les premiers nous proposent 450 roupies (" very good price for you my friend"), en cherchant un peu plus nous finissons par avoir une course à 350, un peu plus convenable... Bon il faut avouer que le trajet dans ce vieux taxi blanc style "usa des années 50" n'était pas sans charme. Pas de ceinture dans cette voiture (comme dans toutes les autres vieilles voitures en Inde apparemment), et disons le tout de suite, niveau conduite l'Inde c'est comme l'Egypte: on roule n'importe comment (ou disons selon une logique qui leur est très spécifique), la signalisation est inexistante, ou tout au plus décorative, et l'usage du klaxon intensif, assourdissant même: c'est en fait leur moyen de communiquer entre conducteur...
Chacun pour sa peau visiblement, et, que ce soit en rikshaw, bus ou taxi, je m'étonne à chaque instant d'être encore vivant. Mais bon, visiblement ça fonctionne, je n'ai pour l'instant pas vu d'accident hormis une collision sans gravité entre un scooter et un vélo à Thanjavur.

Le jour commence à se lever lorsque le taxi nous dépose à la gare routière de Chennai - actuellement le soleil se lève à 6h et se couche à 18h-, nous n’avons pas trop de difficultés à nous orienter dans cette gare, bien que l'indication me semble assez chaotique... Mais je découvrirais par la suite qu'elle peut se révéler bien plus incompréhensible qu'à Chennai, retrouver son bus lorsque l'on ne lit ni ne parle le tamoul pouvant relever des 12 travaux d'hercules (ou Asterix;), j'y reviendrais plus tard...
Un indien sympathique nous indique l'emplacement et l'horaire du bus, le bon -une chance- départ à 7 heures pour Mamalapuram.
Cela nous laisse le temps de nous poser et d'observer la gare. Des déchets sont dispersés un peu partout dans la gare, ce qui s'explique facilement par le fait qu'il n'y a presque jamais de poubelles dans les lieux publics... 

Ici et là, un grand nombre de personnes dorment allongées à même le sol, nullement gênées par le bruit et le désordre ambiant... Comme quoi la notion de confort est très subjective!
 

Julie et Ophelia se sentent assez mal à l'aise vis à vis des regards souvent très insistants des hommes. Elles devront pourtant s'y faire, c'est malheureusement assez systématique dans ce pays.

Le bus arrive, presque à l'heure. Son piteux état me laisse supposer qu'il n'était plus très jeune, mais le moteur tourne encore... Ces vieux engins peuvent d'ailleurs cacher pas mal de puissance, les conducteurs de bus conduisent souvent comme des tarés, leur véhicules, imposants et puissants, leur permet en effet de tracer sur la route à tombeau ouvert, klaxon en usage constant ( pauvres tympans!). Aux autres véhicules de s'écarter... Bon je critique, mais passées les premières frayeurs, c'est en fait assez amusant à vivre!

Je n'aurais vu de Chennai que le trajet pour en sortir, mais cet aperçu est déjà impressionnant en soi. La notion d'organisation urbaine semble complètement étrangère à l'Inde.  Bidonvilles, immeubles de bureau high tech, bâtiments en chantiers ou encore petites maison résidentielles se côtoient sans aucun souci de cohésion esthétique. La poussière et les déchets sont partout, la ville entière semble être un vaste chantier en travaux...
Au final cet étrange patchwork recèle un certain charme; assister au défilement de ce paysage urbain me donna même envie de marcher dans le dédale des petites rues, il y a de très belles photos et croquis qui se cachent là bas... Des personnes à rencontrer également, même si le choc des cultures doit être assez détonnant.
Je ne pourrais très certainement pas vivre dans une telle ville, mais à ma grande surprise, j'ai trouvé ce chaos, cette désorganisation urbaine assez belle. Chaque élément obéit à ses propres lois mais s'intègre pourtant aux autres, un chaos organisé assez proches de celui de la nature en fait. La ville est grouillante, vivante. Je ne regrettais pas un instant les immeubles rangés, carrés et stériles de La Défense ou autres structures assimilées...

Durant le trajet, les gens nous observent, certains discrètement, d'autres ostensiblement... Et nous faisons de même.
En chemin, le bus s'arrête pour laisser monter un groupe d’écolière dans un bel uniforme bleu, donnant une touche d’élégance et d'ordre assez surprenante.

Sortant de Chennai, le paysage se fait plus rural, la nature apparait, quelques maisons éparses, en chaume, en bois ou en béton. Paysage de campagne tropicale...

Balloté par la fatigue, les tressauts du bus et le défilement du paysage, je ne vis pas passer les deux heures de ce trajet qui nous mena à notre premier arrêt: Mamalapuram.


Veille du depart

Les deux jours précédant le départ furent déroutants. 
J'étais jusque là assez calme à l'idée de partir, et pour être honnête, je n'avais pas préparé grand chose, juste écouté des récits de voyages de proches ayant été là bas, noté quelques conseils... Pour la théorie: Ok. 
Mais sur le plan pratique tout était à faire: acheter sac, chaussures, moustiquaire, medoc, etc. Régler les détails bancaires, voir les ami-e-s avant le départ.
Tant de choses en si peu de temps, et finalement à la veille du départ je n'étais plus si enthousiaste à l'idée de partir... Les ami-e-s, les proches à qui je venais de dire au revoir me manquaient déjà, et je ne savais plus vraiment quel était le moteur de ce voyage. 
Mais l'avais je vraiment su?
Partir pour quoi? Y aurait il quelque chose ailleurs que je ne pourrais réellement trouver ici?
Mon entourage semblait mieux le savoir que moi: je partais pour des raisons spirituelles, pour m'ouvrir au monde, devenir plus mature... devenir... pourquoi pas. 
Pour ma part, je partais en étant simplement curieux de voir ce qui allait advenir. Ni enthousiaste ni réticent, juste curieux.
Alea jacta est, advienne que pourra, c'est un peu dans cet état d'esprit que je montais dans l'avion.

Rien à noter concernant le vol, quelques films sympa comme kick ass et Liebe Mauer.
Ceci dit ce moyen de transport à quelque chose d'étrange.: on ne sent pas le voyage, le déplacement se faire. Le vol est un peu comme un vol du temps, un vol de ce qui faisait une part importante des voyages par le passé: le trajet vers le pays étranger, avec le défilement du paysage, l’écoulement des journées, l'attente et les rencontres.
On quitte Paris pour arriver à Chennai comme si l'on avait été téléporté d'un aéroport à l'autre (un léger mal de dos et une fatigue en prime). On regretterait presque qu'il n'y ait pas d'incident dans l'avion, cela pimenterait un peu le trajet!

Changer le décor.

Tout ce qui est ici est ailleurs,
Ce qui n'est pas ici n'est nulle part.

Viśvasāratantra


Voyager, changer le décor...
 
Partir ailleurs, que ce soit physiquement, en allant dans un lieu nouveau jusque là jamais visité, ou intérieurement, par l'imaginaire, l'exploration interne...
Je ne suis pas sûr que ce soit la durée ou le nombre de voyage qui importe, on peut très bien voyager superficiellement, changer le décor sans remettre en question notre manière de voir, de ressentir l'environnement. Conserver ses références, ses jugements, ses mécanismes de défense.

Ou bien partir les portes ouvertes, laisser venir le nouveau monde.
Partir ailleurs tout en vivant ici et maintenant, est il une autre façon de vivre possible?

Extérieurement, on ne change que le décor,
intérieurement, rien ne change et tout change.
Enjoy the trip.



Ouverture et commencement.

Ouverture au monde, ouverture vers l'inconnu ou le supposément connu, ouverture vers l'informulable, l'impensable (pourquoi pas...), un bien joli mot que celui d'ouverture.
Quoiqu'il en soit nous y voilà, une ouverture un peu pompeuse pour ce petit blog/carnet de voyage qui se développera au fur et à mesure de ma découverte de l'Inde, et peut-être d'autres pays par la suite.

Aucune prétention littéraire ou poétique ( officiellement tout au moins ;), juste un médium sympathique pour permettre à mon entourage d'avoir quelques news, et éventuellement, pour d'improbables visiteurs inconnus, de découvrir un autre regard sur ce pays.

Un regard unique parmi tant d'autres.