Allepey


A 3h30 du matin, nous posons enfin pieds sur le sol de la gare d'Allepey. 
Malgré l'heure, le lieu est encore animé par les allées et venues des voyageurs. Certains dorment sur le quai et dans le hall... Quelques rikshaws attendent dehors, le toit revêtu d'une bâche en plastique mouillée qui semble indiquer un temps pluvieux. De fait, le sol est trempé, l'air chaud et humide. Si nous avions échappé à la mousson jusque là, il semble bien qu'elle nous attendait patiemment au Kerala!
Légère tension entre Julie et moi au moment de choisir l’hôtel où passer la nuit, j'ai repéré dans le guide lonely planet (ironiquement appelé par les indiens la "bible" -des voyageurs-) une guest house apparemment confortable à 350 roupies, Julie une plus basique à 250. Pour une fois je modère mon tempérament dictatorial et lui laisse le dernier mot... Nous ayant déposé devant l’entrée d'une lodge d'apparence rustique, le rikshaw réveille le malheureux gérant, qui nous attribut rapidement une chambre. Enfin une chambre, une cellule de prison plutôt!  Pas de salle de bain, une pièce sale de 12 m2 et deux lits très sommaires... Ajoutons à cela la faune locale: une grosse araignée, visiblement très bien nourrie par les dizaines de moustiques hantant les lieux, ainsi que d’énormément cafards se baladant dans la salle de bain commune. Que de réjouissances!
Pris d'un éclair de génie, je commence par rendre l'air irrespirable en bombardant la pièce de spray antimoustiques, et réclame ensuite un 3e matelas pour dormir par terre.
Ambiance tendue dans la chambre, Ophelia et moi étant remontés contre Julie à l’idée d'avoir économisé 33 roupis chacun pour se retrouver dans un tel taudis...
Pris d'une crise de parano, la saleté de mon matelas me fait craindre de choper la gale, et c'est recouvert de ma moustiquaire que je m'endors... En priant que ce ne soit pas mon linceul.
Me réveillant tôt le lendemain matin, je profite du sommeil des filles pour explorer la ville à la recherche d'une poste et d'un point internet. L’air est déjà très chaud et moite, les rues, sales, boueuses et couvertes de flaques d’eaux, me semblent complètement dénuées de charme. Le premier aperçu de la ville n’est guère positif… A mon retour nous plions bagages et nous rendons à la guest house qui avait attirée mon attention dans la “bible”.
Les lieux se révèlent agréables, le personnel accueillant et le prix de la chambre correcte, soulagés, nous pouvons enfin nous poser! Le propriétaire nous propose également ses services de ballades en houseboat. Je suis –par principe…- méfiant au départ mais le bateau qu’il nous montre en photo semble vraiment confortable, voir luxueux . Il pourrait bien sur s’agir d’une arnaque, mais le proprio me semble honnête… Espérant avoir une bonne intuition je demande leur aval aux filles, Julie est ok d’emblée, Ophelia hésite, puis fini par se laisser tenter, après tout ce n’est sans doute pas une expérience que nous aurons l’occasion de revivre souvent!
L’après midi nous flânons dans la ville, chacun de notre cote. J’erre le long de la rivière, de nombreuses petites embarcations en bois sont amarrées aux berges, ambiance paisible et bucolique… Le soir, sur la terrasse de l’hôtel, nous faisons  connaissance avec deux voyageurs anglais accompagné d’un jeune indien sikh de notre âge, rencontre au cours de leur trajet. Revenant d’une ballade en barques dans les lagunes, ils ont fait le régal des moustiques, leur jambes particulièrement sont couvertes de gros points rouges… Un avertissement pour notre ballade a venir!
Le lendemain matin nous embarquons donc à bord d’un de ces fameux “houseboat”, dirigé par deux “marins” keralais ne parlant presque pas un mot d’anglais mais au tempérament très accueillant. Les lieux sont tels que les photos le montraient, voir même encore plus luxueux. Très agréablement surpris, nous nous laissons porter par le rythme paisible et fluide du bateau. Les backwaters se présentent comme un immense lac dans lequel se jettent de nombreuses petites rivières. Sur les brins de terres qui cernent les lieux se trouvent quelques habitations, commerce, ainsi qu’une école et un temple / église ( vestige de la présence des portugais ou des anglais sans doute).
De nombreux indiens se baladent sur les berges, certains s’y lavent ou y font leur lessive, frappant avec force les vêtements contre les pierres, selon une méthode qui n’a sans doute guère change depuis des siècles, voir des millénaires…
Ces paysages évoquent immanquablement l’image d’une Venise égarée au cœur de la foret vierge, dérivant lentement sur le fleuve amazone. Par moment cela me rappel également une lointaine ballade sur les eaux du Nil…
Aucune autre occupations que de se laisser bercer par les vagues, savourant l’écoulement du temps "perdu" à ne rien faire, a ne rien être. Le soir nous posons l’ancre au milieux des lagunes, près d’un brin de terre. Comme pour le midi, le repas préparé par le capitaine et son acolyte se révèlent particulièrement savoureux et très - trop!- copieux. La nuit noire recouvrant le lac des 6h du soir modifie la perception du temps, 20h me semble être comme 00h!  Me dirigeant donc assez tôt vers le lit, j'aperçois les deux keralais dormant dans la cuisine, à même le sol. Ophelia est choquée, gênée par ce qu’elle perçoit comme une condition misérable, elle hésite à leur proposer de dormir sur les canapés du salon. Pour ma part je ne sais trop quoi penser, je m’attendais également à ce qu’ils dorment dans le salon ou à l’étage, mais j’ai si souvent vu dormir des indiens à même le sol, dans les lieux les plus inconfortables et incongrus imaginables, que je me demande si ce n’est pas pas finalement nous qui tendons à tout dramatiser, trop habitué au confort occidental, à percevoir notre mode de vie comme le plus désirable et juste qui soit.
Quoiqu’il en soit, les ronflements qui résonne de la cuisine indiquent que nos hôtes dorment déjà à poing fermés, tandis que nous perdons vainement notre temps dans nos monologues intérieurs.
Les filles tentent de regarder la télé, mais l'écran refuse d'afficher la moindre image. Alors que je m’apprête à sombrer dans le royaume de Morphé, j’entends soudain des cris d’effroi venant du salon. Intrigué je rejoins les filles… Fausse alerte! Il s’agissait d’une chauve souris – énorme selon elle - qui, étant attirée par la lumière, avait fait un bref passage dans le salon…. Assez amusé par leurs cris stridents, je retournais dans ma chambre et m'endormis, porté par le balancement des vagues.

Dès l’apparition des premiers rayons du soleil matinal, le bateau se remet en route vers le port, rejoignant en chemin de nombreux autres houseboats. L’apparence de ces embarcations me rappellent les Omu- ces étranges insectes limaces présent dans Naussicaa de Myazaki- j’observe amusé ce spectacle comme si j’assistais à une migration de limaces géantes glissant sur les eaux.
Rendu à terre, nous rejoignons le rikshaw réservé la veille pour nous rendre à la gare routière, afin de prendre le bus pour Kochin, grande ville portuaire et touristique à une heure de route d’Allepey. Le trajet se déroule sans encombre jusqu’a Ernakullam, ville voisine de kochin… marquant également l’arret final du bus! Fort Kochin se situe au bout d’une péninsule donnant sur la mer arabe, pour la rejoindre depuis ernakullam, le plus rapide est de traverser par bateau… L’idée est plutôt réjouissante au premier abord, mais nous déchantons vite au moment d’entrer dans le hall de réservation du port, qui se révèle particulièrement bondé! Une immense queue formant un S commence dès les portes d’entrées… A vue d’œil nous sommes bon pour deux heures d’attentes dans la foule indienne! Dépités nous sortons nous poser sur le quai pour chercher un plan de secours. Le trajet en bus semble ingérable : 1h dans un bus public. Le taxi, plus confortable, met cependant la même durée et se révèle très cher…Julie se propose de commencer la file d’attente et de venir la relayer ensuite. Cette initiative nous porta chance, il y avait en fait une file réservée aux femmes, et de ce fait presque vide, les femmes sortant beaucoup moins que les hommes… Nous embarquons donc dans la navette, sous les regards intrigués des indiens. Le trajet est court (20 minutes), en chemin nous croisons de nombreux et imposants bateaux de commerces et navettes militaires, ainsi qu’une improbable navette touristique avec une proue en tête de cygne et les flancs arrières parés d’ailes blanches.

C’est finalement en début d’après-midi que nous posons pieds sur le sol très touristique de fort Kochin.

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